6thJuil

En Espagne, les autorités s’inquiètent de la hausse des crimes sexuels commis par des mineurs guidés par la porno, nous rapportent aujourd’hui L’Obs avec l’Afp. Comme au Royaume-Uni, où la Commissaire à l’Enfance a estimé en mai dernier que 50% des agressions sexuelles sont dues à l’addiction à la pornographie.

Autorités et associations dénoncent l’impact de l’accès de plus en plus jeune au porno

En 2023, rapportent donc L’Obs et l’AFP, deux viols de fillettes, âgées de 13 et 11 ans, commis à chaque fois par des mineurs ont suscité l’indignation. En Espagne, la hausse récente de violences sexuelles commises par des mineurs inquiète autorités et associations, qui dénoncent l’impact de l’accès de plus en plus jeune à la pornographie. « Depuis quelques années », on « assiste à une augmentation progressive », à défaut d’être « spectaculaire », du « nombre de crimes sexuels commis par des mineurs », souligne Eduardo Esteban, procureur chargé de coordonner la politique pénale envers les mineurs dans ce pays. Cette hausse, « légèrement plus marquée l’an dernier » que les années précédentes, selon le magistrat, a fini par placer ce problème sous le feu des projecteurs en raison de plusieurs affaires relayées ces derniers mois.

En France, l’explosion de l’accès des mineurs à la pornographie a fait fin mai l’objet d’un rapport de l’ARCOM, autorité chargé de réguler les médias  et Internet (ex-CSA).

Des fillettes de 11 et 13 ans violées par d’autres mineurs

Parmi les victimes, le viol présumé fin 2022 par un groupe de mineurs d’une fillette de 11 ans dans les toilettes d’un centre commercial de la région de Barcelone. Parmi les accusés, seuls deux avaient plus de 14 ans, âge minimum pour être inculpé en Espagne, et un seul a été admis temporairement dans un centre pour mineurs.

En juin 2023, un cas similaire a été signalé dans la même région, la Catalogne, où le nombre de mineurs de moins de 14 ans impliqués dans des délits ou crimes sexuels a doublé entre 2015 et 2022, passant de 53 à 103, et où 12,3 % des personnes arrêtées entre janvier et avril 2023 dans de telles affaires étaient des mineurs, selon l’exécutif régional et la police.

Autre signe de la préoccupation des autorités espagnoles, le Défenseur du peuple, équivalent espagnol du Défenseur des droits en France, a ouvert début juin une enquête sur l’agression sexuelle présumée d’une jeune fille de 13 ans par deux élèves de son collège madrilène.

L’accès incontrôlé au porno de plus en plus d’enfants pointé du doigt

Ces affaires ont suscité l’indignation dans le pays, où la lutte contre les violences sexuelles est une cause nationale. En pleine campagne électorale pour les législatives du 23 juillet, l’extrême droite n’a, elle, pas tardé à réclamer un abaissement de l’âge de responsabilité pénale. Mais selon des experts comme Carmela del Moral, de l’ONG Save the Children, « il n’y a pas de solution miracle, comme abaisser l’âge de la responsabilité pénale et envoyer tout le monde en prison », pour enrayer cette hausse.

L’accès incontrôlé de plus en plus d’enfants à la pornographie est, selon les spécialistes, l’un des principaux facteurs de passage à l’acte. « Les jeunes, les enfants, se tournent de plus en plus tôt vers ces contenus », dont ils se servent comme de « tutoriels », « comme lorsqu’on va sur YouTube voir comment réparer un pneu de vélo crevé », explique le procureur Esteban.

En France, ce vendredi, est justement attendu une décision du tribunal judiciaire de Paris sur le blocage de cinq plateformes pornographiques d’envergure auxquelles l’ARCOM reproche de ne pas respecter l’obligation légale de mise en place d’outils permettant d’en interdire l’accès aux mineurs, qui sont de plus en nombreux à les consulter.

Près de 20 % des enfants de 9 ans ont déjà regardé du porno

Selon Lluís Ballester, professeur à l’université des îles Baléares, l’âge du premier contact avec ces contenus diminue progressivement : actuellement, 15 à 20 % des enfants espagnols de 8 à 9 ans assurent ainsi avoir déjà été confrontés à la pornographie en ligne.

En France, 30% des mineurs se rendent chaque mois sur un site porno.

Une étude menée en 2020 par Save The Children montrait que près de sept adolescents sur dix consommaient fréquemment de la pornographie et que plus de la moitié d’entre eux s’en inspiraient dans leurs expériences sexuelles.

Or, cette pornographie est souvent « violente, avec des femmes soumises, qui ne contredisent ni ne contrarient jamais le désir masculin, qui acceptent n’importe quelle pratique, même si elle est folle », insiste Lluís Ballester. De plus, le porno normalise les agressions en groupe, souvent filmées, avertit Carmela Del Moral.
Les jeunes « apprennent la sexualité à travers la pornographie et c’est comme s’ils apprenaient à conduire en regardant “Fast and Furious”. »

Contrôle inefficace

Si l’accès aux contenus pornographiques est en théorie interdit aux moins de 18 ans, le contrôle fait en général défaut, amenant le procureur Esteban à appeler de ses vœux un « contrôle parental […] avec la coopération des réseaux sociaux » et des plateformes.

Cet accès sans contrôle réel préoccupe dans de nombreux pays, comme en France, où le gouvernement a annoncé en mai qu’il voulait parvenir avant la fin de l’année à une vérification d’âge effective sur les sites pornos.

Face à cet impact du porno, les experts s’accordent aussi sur la nécessité de renforcer l’éducation sexuelle des adolescents. « Les mesures adoptées avec les mineurs ont leur effet et il y a très peu de récidives », insiste le procureur Esteban. Mais « avec une éducation sexuelle plus adéquate, il y aurait beaucoup moins de délits ».

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