Pour l’association Juristes pour l’enfance, la diffusion de contenus pornographiques accessibles aux mineurs est un abus sexuel, et cela doit être reconnu juridiquement comme tel.
Mme Mama Fatima Singhateh, Rapporteuse spéciale de l’ONU sur la vente, l’exploitation sexuelle et les abus sexuels des enfants, a adressé un appel à contributions pour alimenter son rapport final pour la 61e session du Conseil des droits de l’homme (février-mars 2026), sur les nouveaux modes de vente, d’exploitation sexuelle et d’abus sexuels d’enfants, en vue d’élaborer des idées et des recommandations pour lutter efficacement contre ce phénomène (voir l’appel ICI).
Juristes pour l’enfance a donc répondu à l’appel de la Rapporteuse spéciale par une contribution détaillée demandant que la diffusion de contenus pornographiques accessibles aux enfants mineurs soit juridiquement reconnue comme un abus sexuel sur mineur susceptible de condamnation pénale (voir la contribution de Juristes pour l’Enfance ICI).
En effet, dans un précédent rapport du 9 août 2024 consacré aux abus sexuels sur mineurs, la Rapporteuse spéciale avait déjà visé l’exposition des mineurs à la pornographie (ici § 86).
Or l’exposition massive des mineurs à la pornographie en ligne est devenue un enjeu majeur de santé publique. En France, un mineur sur deux est exposé avant l’âge de 13 ans :
– L’exposition précoce des enfants à la pornographie influence fortement leurs comportements et leur rapport à la sexualité. Le rapport du Sénat de 2022 révèle une augmentation de près de 60 % des violences sexuelles de mineurs sur d’autres mineurs en cinq ans, beaucoup de jeunes auteurs déclarant avoir reproduit ce qu’ils ont vu en ligne.
– Sur le plan médical et psychologique, les constats sont alarmants : anxiété, isolement, culpabilité, troubles du sommeil, difficultés relationnelles sont fréquemment observés. Des psychologues parlent même de violences psychiques comparables à l’impact d’un abus sexuel. Selon Maria Hernandez Mora, psychologue clinicienne en charge d’une consultation hospitalière d’addictologie, le visionnage d’images pornographiques par les plus jeunes peut produire les effets d’abus sexuels ou de viols psychiques avec des conséquences identiques aux abus « réels », à l’origine de comportements sexuels problématiques et de difficultés sexuelles futures.
- Lire aussi : Accès des mineurs à la pornographie : +36% en 5 ans
Face à ces enjeux, la France sanctionne la diffusion de contenus pornographiques accessibles aux mineurs (article 227-24 du code pénal) mais cette interdiction peine encore à être effective notamment du fait de l’absence d’homogénéité du droit européen sur cette question.
Toutefois, un changement majeur de paradigme semble se dessiner : le 17 juin dernier, le Parlement européen a adopté un projet de directive en 1ère lecture, reconnaissant que l’exposition d’un mineur à la pornographie est une forme d’abus sexuel sur mineur.
Juristes pour l’enfance sollicite la Rapporteure spéciale de l’ONU pour qu’elle qualifie officiellement la diffusion de pornographie aux mineurs d’abus sexuel, et qu’elle demande aux Etats d’adopter les législations harmonisées nécessaires pour protéger les enfants quel que soit le pays dans lequel sont implantés les acteurs de cette diffusion.
Informer, prévenir, protéger : l’enjeu est clair. La pornographie n’est pas seulement un sujet moral, c’est une question de santé publique et de protection des droits de l’enfant.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Venez en parler sur le chat’ !
Pour aller plus loin :